Les 6 traits fondamentaux : une méthode simple et efficace pour faciliter l’encrage
Les 6 traits fondamentaux : une méthode simple et efficace pour faciliter l’encrage
Dans la calligraphie japonaise, il existe un principe remarquable : on peut résumer toute la complexité du geste à partir d’un seul caractère, 永 (“éternel”).
Cette approche, appelée Eiji Happō – les huit lois du caractère 永 – sert à enseigner les gestes essentiels : droites, courbes, obliques, points, crochets…
L’idée centrale : un petit nombre de gestes fondamentaux permet de tout construire.
En partant de cette logique, on peut proposer une version simplifiée, parfaitement adaptée au dessin et à l’encrage BD : six traits seulement, correspondant aux six gestes réellement utilisés par la main.
Cette méthode a un objectif clair : simplifier l’encrage en réduisant la prise de décision, en fluidifiant le geste et en éliminant les tensions inutiles.
I. Les 6 traits fondamentaux
Quel que soit le style, toutes les lignes peuvent se ramener à six trajectoires de base :
1. Droit vertical

Axe haut-bas.
Le trait de stabilité, d’aplomb, de structure.
J’ai personnellement tendance à l’executer de préférence du haut vers le bas.
2. Droit horizontal

Axe gauche – droite.
Le trait de repos, d’horizon, d’équilibre.
3. Droit oblique

Toute direction droite non verticale ou horizontale.
Le trait d’énergie, d’action, de tension.
4. Courbe antihoraire

(sens inverse des aiguilles d’une montre)
Courbe à gauche, tracée du haut vers le bas.
5. Courbe horaire

(sens des aiguilles d’une montre)
Courbe à droite, tracée du haut vers le bas.
6. Ondulé

Succession alternée de courbes.
Matière organique : cheveux, fumée, eau, tissus, vibrations.
Pourquoi ça facilite l’encrage ?
Parce que chaque trait que tu vas tracer appartient à l’une de ces six familles.
Tu sais immédiatement comment le tracer, au lieu d’improviser.
II. Paramètre essentiel : la longueur
La longueur du trait détermine la partie du corps qui doit le produire.
1. Très court (1–2 cm) → Doigts
Précision maximale, micro-contrôle.
Idéal pour les détails, hachures, textures fines.
Mais nerveux : à éviter pour les grands contours.
2. Court à moyen (2–8 cm) → Poignet
Le geste le plus polyvalent.
Stabilité + souplesse.
3. Moyen à long (8–20 cm) → Coude
4. Très long (20 cm et plus) → Épaule
Pourquoi ça facilite l’encrage ?
Parce que tu n’essaies plus de “forcer” un trait avec la mauvaise articulation.
Un trait long au poignet = tremblement.
Un trait court à l’épaule = imprécision.
Avec cette règle, chaque trait devient plus naturel.
III. Paramètre 2 : La pression
La pression influence l’épaisseur, le caractère, la vitesse.
Deux approches possibles :
A. Pression guidée par la lumière
(Encrage sculptural)
- Pression forte dans l’ombre : trait épais
- Pression légère dans la lumière : trait fin
- Variation = sensation de volume
- Le trait apporte la lumière et l’ombre autour de la forme
Idéal pour un encrage réaliste, avec une volonté de représentation d’un dessin plus académique.
B. Pression guidée par l’esthétique
(Encrage graphique)
La pression devient un rythme, un style, une musicalité :
- Début appuyé
- Fin appuyée
- Pression stable : ligne claire
- Variations rapides : dynamisme
Idéal pour ligne claire, caricature, BD franco-belge, style cartoon.
IV. Deux principes physiques majeurs qui changent tout
1. On bouge la feuille, pas le corps
Adapter le dessin au geste naturel.
- Tourne la feuille pour toujours avoir l’angle avec lequel tu es le plus sûr.
- Jamais de trait “contre-nature”.
- La ligne s’améliore immédiatement.
2. Expirer pendant le trait difficile
Lorsqu’un trait demande de la concentration :
- inspire avant,
- expire pendant tout le tracé.
Effets :
- détente immédiate,
- réduction des tremblements,
- geste fluide et posé.
3. Fixer le point d’arrivée, pas le point de départ
On regarde la destination.
La main rejoint ce qu’on regarde.
Résultat :
- Trait plus droit
- Moins de micro-corrections
- Courbes plus cohérentes
- Confiance dans le geste
L’encrage, bien sûr, ne se limite pas aux six trajectoires de base ni aux paramètres du geste.
C’est aussi — et avant tout — une pensée du dessin :
celle des matières, des textures, du modelé, des volumes, des pleins et des déliés, du rythme graphique et de l’interprétation personnelle.
C’est un art complet, qui engage autant la technique que la sensibilité.
Mais pour entrer dans cette richesse sans se perdre, il faut une base solide.
C’est précisément ce que propose cette méthode : une porte d’entrée claire, structurée, simple à mémoriser, immédiatement utilisable.
L’ambition de cette méthode n’est donc pas de réduire l’encrage :
elle est de permettre à chacun, débutant comme confirmé, de commencer dans les meilleures conditions, avec un geste sûr, lisible et cohérent.
résumé :
- 6 trajectoires simples : droit vertical – horizontal – oblique, courbe anti horaire – horaire, ondulé
- la bonne articulation selon la longueur : doigts, poignet, coude, épaule
- pression maîtrisée : lumière ou esthétique
- feuille mobile
- respiration contrôlée
- regard dirigé vers l’arrivée
